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De Karlsruhe au Kirchberg et retour: le long voyage, courageux mais prévisible, d´un tourmenté «ultra vires Urteil»

Ezio Perillo, già Giudice al Tribunale dell’Unione europea, Lussemburgo

Das ultra vires Urteil (5 maggio 2020) della Corte costituzionale tedesca (BvG) dichiara per la prima volta nella storia di questa suprema giurisdizione, privi di ogni effetto giuridico gli atti di due tra le più autorevoli e, dai cittadini europei, più apprezzate istituzioni dell’Unione, la Banca centrale europea e la Corte di giustizia.

Di mezzo c’era, come in altre precedenti sentenze del BvG, la difesa del fondamentale e “invalicabile” diritto alla democrazia dei cittadini tedeschi. Nella sostanza delle cose, il BvG ha, in questa vicenda Weiss, voluto sopperire alle omissioni di cui il governo di Berlino e il Bundestag si sarebbero secondo lui resi colpevoli per non aver reagito contro il programma ultra vires della BCE (il PSPP), come pure al successivo verdetto di convalida dei giudici di Lussemburgo (sentenza Weiss della Corte di giustizia del 11/12/2018,C-493/17), e che i giudici di Karlsruhe hanno invece considerato entrambi come tamquam non essent.

Il presente commento si soffermerà non tanto sulla fondatezza dei gravissimi addebiti mossi dai giudici di Karlsruhe ai citati atti dell’Unione, ma soprattutto sui passaggi più fragili di questo complesso giudizio tedesco, sulle cose non-dette, sugli argomenti evitati e gli interrogativi non affrontati che ne fanno in definitiva un verdetto tanto coraggioso quanto contro-producente.

Das ultra vires Urteil (5 May 2020) of the German Constitutional Court (BvG) declares, for the first time in the history of this jurisdiction, not legally binding the acts of two between the most authoritative and, by the European citizens, most appreciated institutions of the Union, i.e. the European Central Bank and the Court of Justice.

What was at stake in this case – as in other previous judgments of the BvG – was the defence of the fundamental and insurmountable right to democracy of the German citizens.

However, here the BvG basically intended “to remedy” the omissions of the Berlin government and the Bundestag, both guilty for not having reacted against the ultra vires program of the ECB as well as against the subsequent validation verdict of the Luxembourg judges (C-493/17), acts that the judges of Karlsruhe considered as tamquam non essent.

This comment will focus not so much on the merits of the very serious charges made by the judges of Karlsruhe to the aforementioned Union acts, but above all on the more fragile passages of this complex German judgment, on the unspoken, on the arguments avoided and the questions not tackled which ultimately make it a courageous but nevertheless counterproductive verdict.

Keywords

European Central Bank – Public Sector Purchase Program (PSPP) – Alleged violation of fundamental rights – Appeal by private individuals before the German Constitutional Court (BvG) – Preliminary question concerning the validity of the PSPP – Referral to the EU Court of Justice – Judgment of validity of the PSPP – Complaint by the BvG – Competence on ultra vires EU acts – Effects – No binding legal effects in Germany – Limits – Scope of the European res judicata – Obligation to respect – Protection of the applicants’ fundamental rights – Action for non-contractual liability of the Union – Conditions.

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Sommario:

I. Un bref résumé des faits - II. “Élémentaire mon cher Watson!” Pas tout à fait. Quelques brèves considérations sur l’égalité des justiciables au sein de l’Union, trois questions et une remarque - III. La délimitation des compétences et la proportionnalité de l’action: deux formes de contrôle différentes? - IV. La remarque le verdict du BvG et les Masters of the Financial Markets - V. The PSPP: monetary or not monetary? This is the question - VI. Du contrôle sur le principe d’attribution à celui du principe de proportionnalité: un passage de l’arrêt du BvG juridiquement difficile et tourmenté - VII. Les points fragiles: a) la proportionnalité – b) la “mutualisation de la dette” - VIII. Y aurait-il deux juges, pour contrôler les actes ultra vires de la BCE? - IX. La compétence pour «barrer» les actes UE ultra vires et la responsabilité non contractuelle - X. Un arrêt de la Cour de justice rendu ultra vires acquiert-il l’autorité de la chose jugée? - XI. Quelques dernières considérations en guise de conclusion


I. Un bref résumé des faits

Le Public Sector Purchase Program (ci-après: le PSPP) est un important plan d’achat de titres publics que la Banque Centrale Européenne (ci-après la BCE) a lancé en 2015 sur les marchés financiers secondaires des États membres de l’Union dans le but, en particulier, de revenir autant que possible à un taux d’inflation inférieur à 2%, et assurer ainsi la stabilité des prix. Selon l’arrêt Weiss adopté le 5 mai 2020 par le Bundesverfassungsgericht (ci-après: le BvG), dans le traitement dudit PSPP la BCE, d’un côté, et la Cour de justice, de l’autre côté, ont agi ultra vires. De l’avis de M. Weiss, le premier parmi un millier d’autres requérants allemands ayant saisi le BvG, l’Eurotower de Francfort, dans cette opération de secours financier à l’échelle européenne, n’aurait pas su tracer une ligne de frontière claire entre sa compétence en matière de politique monétaire, qui est une compétence exclusive de l’Union (art. 3, par. 1, TFUE), et celle en matière de politique économique laquelle, selon ces rquérants, serait une compétence appartenant encore, essentiellement, aux États membres de l’Union (art.5, par. 1, TFUE). En outre, en procédant à la mise en œuvre du PSPP de façon manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par la politique monétaire que les États membres lui ont attribuée, la BCE aurait généré des déséquilibres significatifs dans la gestion de la politique économique et surtout budgétaire allemande, et elle aurait ainsi agi ultra vires (premier dépassement de compétence de la part de l’Union). Suite audit recours de M. Weiss et des autres requérants, les juges de Karlsruhe avaient dûment interrogé, par un renvoi préjudiciel, les juges du Kirchberg afin qu’ils tranchent la question de savoir si le programme lancé par la BCE avait été adopté intra vires et s’il était resté aussi dans des justes proportions. De retour à Karlsruhe, l’arrêt préjudiciel Weiss de la Cour de justice du 11 décembre [continua ..]

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II. “Élémentaire mon cher Watson!” Pas tout à fait. Quelques brèves considérations sur l’égalité des justiciables au sein de l’Union, trois questions et une remarque

C’est la première fois que le BvG déclare qu’un arrêt de la Cour de justice est dépourvu de tout effet juridique à l’égard de la République Fédérale d'Allemagne, presqu’une sorte de constat d’“impuissance ultra vires”. Comme on le verra ci-après, nonobstant sa clameur de quelques jours dans les médias de la finance européenne, c’est au sein des milieux juridiques nationaux qu’un tel verdict créera les plus vives émotions, alors que l’on peut dire qu’au vu de la précédente jurisprudence du BvG en la matière il s’agit d’un verdict assez prévisible, voire même attendu. Une décision néanmoins difficile et compliquée, aux passages parfois tourmentés. Cela peut se remarquer surtout dans les passages dans lesquels le BvG cherchera courageusement à fixer les prérogatives d’action de la BCE, qui en principe sont celles établies exclusivement par les traités, dans les paramètres juridiques de sa propre “conception” aux fins de définir comment la politique monétaire de la zone euro devrait être gérée, à savoir ceux de la “neutrality” et de la “political accountability” de la BCE – peu importe la situation réelle dans laquelle se trouve le marché financier de l’euro dans laquelle le BCE devrait intervenir. Or, lorsqu’au niveau d’une juridiction suprême les tons se font particulièrement âpres, c’est la réponse politique qui devient, en revanche, plus sim­ple: ainsi, il n’appartient pas aux juridictions suprêmes des États mem­bres ni à celle de l’Union de résoudre les questions de savoir comment la politique monétaire au sein de la zone euro doit être organisée ni celles du rôle et des prérogatives de la BCE, mais plutôt aux instances politiques compétentes et, en dernier ressort, aux citoyens européens que ces dernières représentent (v. infra, par. V). Cela dit, avant d’examiner les aspects à mon avis saillants de cet arrêt complexe et érudit, il convient également d’aborder, à vol [continua ..]

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III. La délimitation des compétences et la proportionnalité de l’action: deux formes de contrôle différentes?

Selon le BvG, la Cour de justice, par son arrêt préjudiciel, «essentially affords the ECB the competence [(A)] to pursue its own economic policy agenda by means of an asset purchase program, and refrains from subjecting the ECB’s actions to an effective review as to conformity with the order of competences on the basis [(B)] of the principle of proportionality …» (point 163). Il convient cependant d’observer que, en jugeant ainsi, le BvG parvient à mélanger le respect du principe d’attribution de la compétence (A) avec le respect du principe de proportionnalité de l’action à entreprendre (B). L’art. 5, par. 1, TUE établit, à cet égard, ce qui suit: «le principe d’attri­bution régit la délimitation des compétences de l’Union» (première phrase). «Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l’exercice de ses compétences» (deuxième phrase). En d’autres mots, “l’attribution” délimite le terrain de jeu sur lequel chaque institution peut agir dans le cadre des compétences que les États membres ont à l’unanimité décidé de transférer à l’Union, tandis que “la proportionnalité” règle l’intensité de l’action ainsi entreprise. Les deux critères étant clairement distincts, il n’appartient certainement pas aux juridictions nationales de les mélanger à leur convenance. En effet, si chaque juridiction nationale suprême pouvait finalement contrôler, secundum proprium jus, si, par exemple, la BCE a dûment respecté, au moment de son adoption, la juste proportion de son programme d’achats, pour sanctionner ensuite l’éventuel dépassement de cet équilibre sous la forme d’une déclaration d’incompatibilité ultra vires du programme tout entier à l’égard deson pays, la sécurité juridique des mesures prises par l’Eurotower serait clairement mise en danger, voir moindrie, ainsi que l’unité des fondements du système de l’Union. Il aurait été, dès lors, souhaitable d’éviter cet [continua ..]

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IV. La remarque le verdict du BvG et les Masters of the Financial Markets

De quoi inquiéter, donc, et voici la remarque, les marchés financiers de toute l’Europe même si, en général, les opérateurs en Bourse ne s’attardent d’habitude pas longtemps sur l’examen des questions sibyllines liées à la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres. À cet égard, le BvG confirme néanmoins que si c’est en premier lieu la Cour de justice elle-même qui n’assure pas, à suffisance de droit, le contrôle correct de légalité de l’acte de la BCE dont il s’agit (en l’espèce le PSPP), il lui revient alors d’examiner, motu proprio, la compatibilité de cet acte avec le droit allemand, notamment lorsque la mise en œuvre de ce programme est susceptible de porter atteinte, par ses effets matériels sur la politique économique et budgétaire nationale, à l’identité de son pays et/ou au droit fondamental de ses citoyens à la démocratie. Et cela, même au prix d’une évidente insécurité juridique à l’égard des justiciables européens concernés. Cependant, comme on le verra mieux ci-après (voir, par. X, suivant), lorsqu’un arrêt acquiert l’autorité de la chose jugée, la res judicata dont il s’agit (l’objet étant en l’espèce la légalité du PSPP), bonne ou mauvaise qu’elle puisse paraître, ne saurait plus être remise en discussion devant un autre juge, aussi suprême puisse-t-il être. Sécurité juridique oblige! Enfin, dans le droit de l’Union régissant les droits et les obligations entre ses institutions et celles nationales, la règle traditionnelle inademplenti non est adimplendum, propre au droit international et au droit civil, ne s’applique pas, en principe, ni dans un sens (lorsque le manquement est du côté national) ni dans l’autre (lorsque le manquement est du côté européen). Cela vaut aussi lorsque les manquements en question interviennent dans le cadre d’un dialogue préjudiciel entre juges, même s’ils peuvent avoir des opinions divergentes. Dès lors, face aux doutes laissés [continua ..]

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V. The PSPP: monetary or not monetary? This is the question

Selon le BvG, «the distinction between economic policy and monetary policy is a fundamental political decision with implications beyond the individual case and with significant consequences for the distribution of power and influence within the European Union. The classification of a measure as a monetary policy matter as opposed to an economic or fiscal policy matter bears not only on the division of competences between the European Union and the Member States; it also determines the level of democratic legitimation and oversight of the respective policy area, given that the competence for monetary policy has been conferred upon the ESCB as an independent authority …» (point 159). Au point 163 suivant, le BvG conclura alors que «the interpretation of the ECB’s monetary policy mandate, as undertaken by the CJEU, encroaches upon the competences of the Member States for economic and fiscal policy matters [étant donné que,] with few exceptions (cf. Arts. 121 and 122, Art. 126 TFEU), the competence of the European Union in economic policy matters is essentially limited to coordinating the policies of the Member States (Art. 119(1) TFEU) [and] the ESCB is to merely support the general economic policies in the European Union». «With few exceptions …» c’est, sans aucun doute, une formule assez habile. Or, même en admettant qu’il s’agit d’une simple activité de coordination de la part de l’Union, à quelle catégorie de compétences de l’Union appartiendrait un tel mandat? En effet, si, d’une part, on pourrait volontiers accepter, en tant qu’hypo­thèse de travail, qu’une telle politique ne fasse pas partie de celle monétaire que la BCE exerce à titre exclusif, il est, d’autre part, également facile de conclure qu’il ne s’agit pas non plus d’une compétence qui est restée, automatiquement, parmi les prérogatives souveraines de chaque État membre. Par ailleurs, dans sa conclusion visant à soutenir qu’il s’agirait d’une compétence de l’Union «essentially limited to coordinating the policies of the Member States (Art. 119(1) TFEU)», le BvG ne précise pas si une telle compétence serait la même à l’égard de tous les 27 États membres de [continua ..]

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VI. Du contrôle sur le principe d’attribution à celui du principe de proportionnalité: un passage de l’arrêt du BvG juridiquement difficile et tourmenté

Le but serait celui de faire d’abord “glisser” le PSPP du terrain de la compétence exclusive de l’Union, à savoir celui de la politique monétaire confiée à la BCE, vers le terrain de la politique économique relevant, selon le BvG, de la compétence prioritaire de chacun des 27 États membres de l’Union, toute monnaie confondue. Sur ce deuxième terrain, aux profils forcément plus vagues, la compétence judiciaire de substitution du BvG, à la place de celle de la Cour de justice, serait alors une compétence lui revenant de droit et visant à assurer la protection des droits fondamentaux du peuple allemand par rapport au PSPP de la BCE. Il s’agirait, en définitive, de «barrer l’entrée», pour reprendre une formule utilisée par la Cour Constitutionnelle italienne (voir, arrêt n.115/2018 du 10 avril 2018), à un acte que la BCE aurait pris ultra vires et qui, en l’espèce, empièterait manifestement sur la compétence et les prérogatives de l’Allemagne dans le domaine économique et budgétaire. Cependant, la République Fédérale étant un État membre de la zone euro, c’est par rapport au cadre légal spécifique, établi per les traités à l’égard de ces seuls États et non pas à l’égard des 27, que le BvG aurait dû, le cas échéant, mesurer l’étendue des compétences respectives entre les institutions de l’Union, d’une part, et les États membres euro, de l’autre. Quoiqu’il en soit, il est à mon avis constant que, dans le secteur du marché couvert par l’action du PSPP, les États membres de la zone euro, en vertu du critère de la pre-emption établi par l’art 2, par. 2, TFUE et dont les modalités d’application ont été en l’espèce «coordonnées» avec l’Union par les actes des années 2011 et 2012 susmentionnés, ne pouvaient exercer leurs compétences que dans la mesure où cette dernière n’avait pas déjà exercé, dans ce même secteur, la sienne (voir, en ce sens, le Six Pack, le Two Pack [continua ..]

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VII. Les points fragiles: a) la proportionnalité – b) la “mutualisation de la dette”

a) Dans sa longue et tourmentée analyse sur le respect du principe d’attribution, d’une part, et sur le respect du principe de proportionnalité, d’autre part, le BvG parviendra enfin à constater que, ne pouvant pas se fonder sur l’arrêt que la Cour de justice lui avait rendu à titre préjudiciel, ayant été prononcé, à son avis, ultra vires, il lui appartenait «[to] conduct its own review [and] to decide […] whether the ESCB’s actions in terms of adopting and implementing the PSPP remain within the competences conferred upon it» (point 164). Dès lors, le premier pas du raisonnement du BvG, dans ce sens, aurait dû être celui de vérifier le respect, par la BCE, du principe d’attribution de ses compétences (art. 5, par. 1, première phrase, TFUE). Auparavant, le BvG avait, toutefois, déjà considéré ce qui suit: «relying on the principle of proportionality [et donc non pas sur celui d’attribution] to distinguish between monetary policy and economic policy (Art. 5(1) second sentence and Art. 5(4) TEU) implies that a programme’s effects can render it disproportionate. Thus, assessing the consequences of such a programme is a necessary step in the delimitation of competences» (point 139). C’est l’un des passages clé de l’arrêt du BvG. Avec élégance et convinction on écarte ainsi, d’une seule phrase, le critère ex ante de l’émergence du «whatever it takes» avec celui, au nom du droit, du «whatever it’s proportionate»! Le raisonnement du BvG oscillera, néammoins, entre, d’une part, une longue dissertation amalgamant l’ultra vires avec la proportionnalité de la décision de la BCE, et, d’autre part, la thèse sur l’ultra vires de la décision de la Cour de justice qui aurait omis d’évaluer, à suffisance de droit, le respect dudit principe de proportionnalité. Par ailleurs, dans cette “valse de critères divers”, le BvG maintiendra qu’aux fins du test sur la proportionnalité, la BCE aurait dû procéder à la pondération («the balancing») des effets du PSPP, notamment sur le marché [continua ..]

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VIII. Y aurait-il deux juges, pour contrôler les actes ultra vires de la BCE?

À cet égard, il convient en premier lieu de relever qu’en raison de leur autonomie et indépendance constitutionnelle, chaque banque centrale, quelle soit nationale, fédérale ou européenne, ne devrait avoir, en règle générale, qu’un seul juge de la légalité, à savoir celui de son propre ordre juridique. Le problème, pourrait-on alors répliquer de part et d’autre, viendrait plutôt des États membres euro qui n’ont pas su rédiger, dans les traités, les opportunes dispositions pertinentes en la matière. Quoiqu’il en soit, il y a en tout cas la protection des droits que les citoyens allemands tirent directement de leur Loi fondamentale. Or, et sans qu’il soit nécessaire de reprendre ici la vexata quaestio sur la nature de l’ordre juridique de l’Union et son autonomie, il convient de relever que le deuxième alinéa du par. 1 de l’art. 19 TUE (que le BvG, par ailleurs, ne prend pas en considération dans son arrêt) impose aux États mem­bres de l’Union l’obligation d’établir «les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans [tous] les domaines couverts par le droit de l’Union». Cette obligation, introduite pour la première fois au niveau du droit primaire de l’Union européenne par the Masters of the [Lisbon] Treaty (et qui s’adresse notamment aux juridictions nationales concernées: voir, arrêt Factortame de la Cour de justice du 19 juin 1990, affaire C-213/90), n’a, cependant, en soi, rien de nouveau: elle s’explique tout simplement en raison des principes de l’effet direct et de la primauté du droit de l’Union, que ces «Maîtres» ont, par ailleurs, admis depuis longtemps. En effet, comme cela a été rappelé par les États membres réunis dans la Conférence ayant adopté le Traité de Lisbonne (Déclaration n. 17) «le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité [de Lisbonne] ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice [selon laquelle] ... issu d’une source autonome, le droit né du [continua ..]

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IX. La compétence pour «barrer» les actes UE ultra vires et la responsabilité non contractuelle

Dans le droit de l’Union, une telle compétence de «barrage» appartient en premier lieu aux représentants des États membres, tant au sein des différentes institutions dans lesquelles ils siègent que lorsqu’ils agissent, devant la Cour de justice, en se prévalant des opportunes voies de recours dont ils disposent: soit directement (art. 263 TFUE), soit par le biais d’une intervention dans le cadre des pertinentes procédures préjudicielles (art. 267 TFUE) soit encore au moyen d’une exception d’illégalité incidente (art. 277 TFUE). Cela dit, comme dans les ordres juridiques nationaux, dans le droit de l’Union vaut également la sacrosainte règle coutumière selon laquelle vigilantibus non dormientibus jura succurunt. Toutefois, dans le cas d’espèce, il faut bien identifier celui qui a dormi, et quand! Ainsi, étant donné que le gouvernement allemand n’a utilisé, dans le cas en question, aucune des prérogatives que le droit de l’Union met à sa disposition pour contester la légalité du programme de la BCE, il s’ensuit qu’il n’a plus locus standi devant la BCE (même s’il devait agir sous l’emprise d’une injonction du BvG: voir, ci-après, au paragraphe 8) ni devant la Cour de justice. Si donc Berlin est forclos (et, par ailleurs, il n’a pas en réalité du tout dormi car il a été, dès le début de la crise en syntonie avec les actions annoncées par la BCE et ensuite mises en œuvre par celle-ci), les particuliers qui s’estiment lésés par cette action ultra vires de la BCE mais qui n’ont pas les prérogatives de contestation privilégiées de leur gouvernement le seraient-ils également ? Non, bien sûr qu’ils ne sont pas forclos. Ils peuvent sans doute agir en justice, toutefois, par la voie de droit appropriée, comme le précise d’ailleurs l’art. 47, par. 2, de la Charte, rappelé ci dessus. En l’espèce il s’agit de l’action en responsabilité non contractuelle. Or, une telle action serait-elle possible lorsque l’acte de l’Union en cause a fait l’objet d’un arrêt définitif de la Cour de [continua ..]

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X. Un arrêt de la Cour de justice rendu ultra vires acquiert-il l’autorité de la chose jugée?

«… the Judgment of the CJEU of 11 December 2018 – dira d’abord le BvG- manifestly exceeds the mandate conferred upon it in Art. 19(1) second sentence TEU, resulting in a structurally significant shift in the order of competences to the detriment of the Member States (par.119) [and] to the extent that it finds the PSPP to be proportionate (par. 155). To this extent, the CJEU Judgment itself constitutes an ultra vires act and thus has no binding effect in Germany (par. 119)». Et pour conclure, ensuite, que: «this gives rise to the risk of a continual erosion – beyond the control of the Member States as ‘Masters of the Treaties’ – of their competences in economic policy and fiscal policy matters and of further weakening the democratic legitimation of the public authority exercised by the Eurosystem, which would not be compatible with the Basic Law» (par. 157). Un verdict aux expressions, sans doute, très catégoriques et sévères. Cependant, l’arrêt du BvG, à bien voir, n’a en soi rien de nouveau par rapport à la traditionnelle jurisprudence, pour ainsi dire «souverainiste», que cette juridiction exprime, depuis longtemps, au sujet des relations – qu’elle estime être parfois – de force» (et non pas toujours de coopération loyale), entre les prérogatives des institutions de l’Union d’une part, et les prérogatives souveraines et démocratiques des organes constitutionnels de l’Allemagne, d’autre part. Dans son arrêt du 5 mai, le BvG notera également – et je dirais à juste titre –, que la mission que les traités confient à la Cour de justice implique nécessairement «a certain margin of error». Ceci, toutefois, ne signifie pas encore qu’il appartient au BvG de corriger les éventuelles erreurs de la Cour de justice. Par ailleurs, au vu également des remarques que nous venons de faire à l’égard de l’arrêt du BvG, il apparait constant qu’aucune juridiction n’est infaillible. Face à cette limite objective (et en sachant que le principe de l’État de droit exclut, comme nous l’a appris Hans Kelsen, qu’il puisse s’instaurer un gouvernement des juges constitutionnels dans un ordre [continua ..]

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XI. Quelques dernières considérations en guise de conclusion

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